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La critique de Fantastikindia

Par Alineji - le 12 avril 2013

Note :
(4.5/10)

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Au cœur d’une épaisse forêt, près d’une frontière indéterminée, un jeune garçon bengali et un soldat islandais se rencontrent, s’apprivoisent et nouent un lien sans paroles. Ailleurs, loin de là, un architecte indien de retour de Dubaï, Rahul, dirige le chantier de construction d’un ensemble de hauts immeubles à la périphérie de Calcutta. Avec sa compagne Paoli qui l’a attendu pendant toutes ses années d’absence, il part à la recherche de son frère. Ce frère serait devenu fou et à demi sauvage, errant dans la forêt et dormant dans les arbres…

Sur la trame ténue de cette quête, le cinéaste sri-lankais Vimukthi Jayasundara signe ici son troisième long métrage. Film quasiment mutique, Chatrak se veut une méditation poétique, un conte, une fable politique, une sorte de parabole de l’Inde moderne. Le titre, qui signifie Champignons en bengali, donne le ton. Jayasundara dénonce une modernité qui standardise toutes les villes à n’importe quel endroit de la planète et où, dit-il, « des gratte-ciels ont poussé comme des champignons. Un champignon est sans racines, mais vit sur des surfaces, et prolifère. »

Il précise encore dans le dossier de presse du film : « Ici, m’est donnée l’occasion unique d’exprimer l’idée d’une uniformisation progressive de nos existences et de nos avenirs… Comme si nous allions tous entrer dans un monde où il n’y aurait plus de place pour la différence et la diversité. » Cependant, le résultat n’est pas entièrement à la hauteur de l’ambition annoncée par le metteur en scène. Selon le vieil adage qui trop embrasse mal étreint, à force de multiplier allusions et métaphores, le spectateur non prévenu peut parfois se sentir tenu à l’écart.

Le scénario peine à décoller. Jayasundara, qui s’exprime beaucoup plus en dehors qu’à l’intérieur de son film, déclare vouloir s’attacher « à rompre avec les conventions de la narration occidentale en faisant s’entrechoquer des temporalités et en voyageant à travers différents modes de récit. » La narration n’est pas linéaire, on l’aura compris, au risque de donner l’impression d’une succession d’images — de clichés ? — opposant le foisonnement grouillant de la forêt à la désespérance de la ville, sale et laide.

Il ne faut cependant pas croire que la nature soit plus accueillante que la ville. Avec son déchaînement de couleurs, vertes et brunes, de cris d’animaux que l’on ne voit jamais, elle semble ne vouloir accepter longtemps aucun intrus humain. Les champignons dont le fou (Sumeet Thakur) se nourrit sont aussi pulvérulents et peut-être toxiques que le béton au milieu duquel évolue son frère Rahul (Sudip Mukherjee). Dans un beau passage onirique, la forêt rejette violemment l’architecte, tout comme elle a refusé un peu plus tôt de garder le secret du soldat.

Ce sont ces moments et quelques autres jolies séquences qui sauvent par intermittences le spectateur de l’ennui. Celle où le soldat (Tómas Lemarquis) creuse la terre pour y enfouir une culpabilité qu’il ne veut plus porter ou encore le long plan fixe qui donne un peu de profondeur au personnage de l’architecte, son dialogue avec le fils d’un ouvrier du chantier, sont particulièrement réussies. Quelquefois l’absurde surgit aussi de façon inattendue et allège le propos d’une touche d’humour. L’image est travaillée, la lumière et les éclairages également.

Ces qualités, réelles, ne suffisent pourtant pas à en faire un bon film et ne compensent pas les nombreux défauts, personnages creux, esthétisme souvent gratuit, démonstrations bavardes à force d’être silencieuses. Par ailleurs, le pessimisme absolu qui traverse l’œuvre, à tort parfois comparée à La Forêt d’Émeraude de John Boorman, peut achever de décourager le spectateur qui ne partage pas cette vision désespérée du monde actuel.

Pour la petite histoire, une scène de nu ayant choqué le public de Calcutta, le réalisateur l’avait modifiée. C’est cette dernière version de Chatrak qui a été montrée au festival de Cannes 2011, dans la Quinzaine des réalisateurs, et qui vient de sortir en salles. Jayasundara avait reçu la Caméra d’or pour son premier long métrage, La Terre abandonnée, en 2005. Son second Entre deux mondes devrait sortir prochainement. Décevra-t-il ou tiendra-t-il les promesses du premier ?



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