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D-Day


Bande originale

Duma Dum
Alvida
Murshid Khele Holi
Ek Ghadi
Dhuaan

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La critique de Fantastikindia

Par Alineji - le 1er avril 2014

Note :
(8/10)

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Sorti en Inde, le 19 juillet 2013, le film de Nikhil Advani, coproduit par Dar Motions Picture et Emmay Entertainment, est depuis peu disponible en DVD et Blu-ray. Malgré des critiques en général plutôt favorables, D-Day n’a pas rempli les salles et a fait un flop au Box-office indien comme à l’international. C’est très injuste.

Le metteur en scène qui n’hésite pas à prendre des risques dans presque toutes ses réalisations se lance cette fois-ci dans un thriller d’action et d’espionnage haletant et parfaitement maîtrisé. Peut-être un signe de maturité ? Il est aussi le coscénariste de cette œuvre prenante de bout en bout.

L’histoire, à l’exception de la scène d’exposition, se déroule sur une période assez brève autour de l’opération d’exfiltration depuis le Pakistan de « l’Homme le plus recherché par l’Inde », un chef mafieux et terroriste, largement inspiré par la figure hélas bien réelle de Dawood Ibrahim. Le personnage, nommé ici Iqbal Seth Aka Goldman, est incarné par Rishi Kapoor que l’on a grand plaisir à retrouver dans un vrai grand rôle à sa mesure, après sa brève apparition en beau-père généreux et le-verre-toujours-à-la-main, dans Jab Tak He Jaan, ou sa peu convaincante prestation de père un peu débile de… Ranbir, dans Besharam.

Depuis neuf ans, Wali Khan (Irrfan Khan) officier supérieur des services secrets indiens, la RAW [1], est installé à Karachi où il mène en apparence la vie paisible d’un barbier de quartier, avec son épouse et son jeune fils. Le mariage annoncé du fils de Goldman, dans un grand hôtel de la ville, en présence d’agents de l’ISI [2], l’agence de renseignements pakistanaise, d’un général et du terroriste lui-même, va provoquer le déclenchement de l’opération Goldman, avec l’aval secret du Premier ministre indien et du chef de la RAW, Ashwini Rao (Nassar).

Wali Khan est bientôt rejoint par Rudra Pratap Singh (Arjun Rampal), un ancien officier limogé de l’armée indienne, vrai mercenaire, et par Zoya Rehman (Huma Qureshi), une spécialiste en explosifs de la RAW, ainsi que par Aslam, ancien petit truand de Bombay, infiltré lui aussi comme chauffeur de Goldman. Avant le déclenchement de l’opération et pour les mettre à l’abri, Wali conduit sa femme et son fils à l’aéroport afin qu’ils prennent l’avion pour l’Angleterre où il doit les rejoindre quelques jours plus tard. Mais, à l’autre bout du monde, le destin va prendre la forme d’un événement inattendu et sans rapport avec l’affaire. C’est le fameux battement d’ailes du papillon qui va modifier son déroulement, si bien planifié, et changer dramatiquement le sort des quatre agents secrets.

Le film débute la veille du jour prévu pour l’enlèvement de Goldman. La construction repose sur une succession de flash-backs, et bouscule habilement toute chronologie pour mieux entretenir le suspense et les rebondissements. Si l’on accepte le postulat un peu simpliste de départ — l’homme recherché, Goldman-Dawood, est responsable de tous les attentats perpétrés en Inde —, l’intrigue évoque de loin celle de Zero Dark Thirty sur la traque d’Oussama Ben Laden par les services spéciaux américains. Aucun plagiat néanmoins. La référence à l’opération américaine est explicite et mise dans la bouche d’un politicien indien avant qu’il ne donne son feu vert à Ashwini Rao.

L’action est rapide et habilement filmée, sur un tempo soutenu. Les rebondissements s’enchaînent sans laisser le temps de souffler jusqu’à l’extrême fin, surprenante, du film. Les scènes de violence ne sont jamais gratuites ni complaisantes. Il y a parfois des morts inadmissibles, de l’insoutenable, mais le cinéaste en fait généralement grâce au spectateur. La torture d’Aslam, par exemple, n’est qu’évoquée par le visage tuméfié du jeune homme. En revanche, lorsqu’il montre Wali s’acharnant à coup de pieds sur un homme qu’il vient de mettre à terre, avant d’être retenu par Zoya, ou lorsque Rudra massacre littéralement le neveu de Goldman, cela correspond à un intense moment de tension des protagonistes. Ils agissent sous le coup de fortes émotions, qui en quelque sorte les exonèrent et ne suscitent que l’empathie du spectateur. Leurs failles les rendent plus proches et débarrassent le film de tout manichéisme. Il y a certes des méchants, très méchants, les Pakistanais et le clan de Goldman, mais de l’autre côté, les héros sont complexes et en proie aux sentiments les plus humains et les plus contradictoires qui soient.

Parallèlement, les histoires d’amour connexes qui émaillent le récit y ont leur place entière, fait rare dans ce genre de film, et ne semblent pas plaquées. Ce sont celles des héros principaux, Wali avec sa femme Nafisa (la débutante Shriswara), et Rudra avec Suraiya (Shruti Haasan), la prostituée au grand cœur défigurée par la balafre qui lui barre la joue. L’élégance du metteur en scène a consisté à ne pas en rajouter et à évoquer plus légèrement, par de simples messages téléphoniques laissés sans réponse, la vie personnelle gâchée de Zoya.

Les personnalités des protagonistes sont bien exposées. Les rôles féminins sont de vrais rôles forts et qui ne sont pas de simples utilités. Celui de Zoya dont on vient de parler, est peut-être le plus faible, le moins fouillé. Le personnage de Suraiya qui héberge, dans le quartier chaud de Karachi, Rudra revenu dont ne sait où, et qui l’humanise progressivement, est plus développé et profond ; de même celui de Nafisa dans l’emploi secondaire d’épouse totalement ignorante des activités réelles de Wali. Le metteur en scène les fait exister, tout comme il réussit à mener en parallèle jusqu’à la fin le duo-duel masculin, Wali-Rudra, sans que l’un ne prenne le pas sur l’autre.

Bien entendu cela n’est possible que parce que D-Day est servi par un casting exemplaire. Rishi Kapoor, on l’a dit plus haut, campe magistralement un Don sur le déclin mais encore menaçant. Il paraît qu’il s’est inspiré des images connues du vrai mafieux Dawood. Arjun Rampal et Irrfan Khan sont excellents. Si cela est devenu une habitude dont on ne se lasse évidemment pas pour Irrfan, Arjun ne nous avait pas habitués à une si grande maîtrise de jeu. Il est grave, tendu, et préserve le mystère de son personnage jusqu’à la fin. Les trois actrices qui incarnent Zoya, Suraiya et Nafisa, respectivement Huma Qureshi, Shruti Haasan et Shriswara ne sont pas en reste. Shruti se distingue nettement, aidée par la complexité de son personnage de femme marquée, dans tous les sens du terme, elle a une présence remarquable. C’est sans doute son meilleur rôle à ce jour.

Enfin, la musique en contrepoint de l’action, douce, prenante, mélancolique, vient chaque fois à point nommé pour faire retomber la tension, ou la modérer. Très atypique par la manière où elle s’intègre au film, elle est pourtant dans son essence assez bollywoodienne, en cela qu’elle accompagne classiquement les bouleversements intimes des personnages. Les chansons sont très belles et l’album, naturellement sorti avant le film, a été très bien reçu. On ne retiendra sans doute pas Duma Dum Mast Kalandar, mais on donnera une mention spéciale au chant qawwali Murshid Khele Holi et au très poignant morceau final Dhuaan.

En conclusion, D-Day est un film rythmé, bien joué et élégant dans sa mise en scène, avec quelques petites incohérences scénaristiques que l’on pardonnera bien volontiers, tant on en sort ému et comblé. Le patriotisme qui imprègne l’œuvre n’est pas sans rappeler celui que l’on a longtemps vu et que l’on voit encore, dans les films du même genre à Hollywood, il y est bien plus supportable. Il est bien dommage que D-Day n’ait pas été distribué en France, où il aurait pu concurrencer à son avantage le très surestimé et ultraviolent Ugly. La cession de rattrapage existe maintenant en DVD, hélas pour beaucoup de spectateurs potentiels, une fois de plus sans sous-titres français.


[1] RAW = Research and Analysis Wing, l’équivalent indien de la DGSE française

[2] ISI = Inter-Services Intelligence, l’équivalent pakistanais de la CIA américaine


Bande-annonce

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