Dhobi Ghat
(grand lavoir à ciel ouvert à Bombay)
Langue | Hindi |
Genre | Drame |
Dir. Photo | Tushar Kanti Ray |
Acteurs | Aamir Khan, Prateik Babbar, Monica Dogra, Kriti Malhotra, Kitu Gidwani, Nafisa Khan |
Dir. Musical | Gustavo Santaolalla, Aamir Khan |
Parolier | Gustavo Santaolalla |
Chanteurs | Gustavo Santaolalla, Ryuichi Sakamoto, Monica Dogra |
Producteurs | Aamir Khan, Kiran Rao |
Durée | 102 mn |
À Bombay, le destin de quatre personnages se croise et s’entrecroise au fil d’un voyage à travers la mégapole et ses multiples facettes. Il y a Shai (Monica Droga), NRI, fille de financiers richissime, qui est venue à Bombay pour assouvir sa passion de la photographie. Lors d’une soirée, elle rencontre Arun (Aamir Khan), un artiste peintre peu sociable dont elle tombe amoureuse, après avoir passé la nuit avec lui. En revanche, Arun ne veut plus rien savoir d’elle et déménage. Dans son nouvel appartement, il fait une trouvaille surprenante : des lettres vidéos que Jasmin (Kriti Malhotra), une jeune musulmane, venue d’Uttar Pradesh pour se marier, voulait envoyer à son jeune frère pour lui faire découvrir la ville. Il y a aussi Munna (Prateik Babbar), un jeune dhobi (un blanchisseur), qui entend bien devenir acteur. Munna est aussi le fil conducteur entre tous ces personnages de milieux et aux destins complètement différents dont la rencontre les uns avec les autres ne sera pas sans conséquences…
Sorti en janvier 2011, Dhobi Ghat est la première réalisation de Kiran Rao, la jeune épouse de la star Aamir Khan, acteur et producteur de ce long-métrage. Réalisé dans une optique qui se veut artistique, Dhobi Ghat, dans sa facture et sa narration se rapproche plus des films occidentaux que du cinéma populaire indien avec ses codes spécifiques et surtout ses séquences chantées ou dansées. En effet, Dhobi Ghat ne développe pas une intrigue, ce n’est pas son propos. Il tient plus du film choral, en exposant une tranche de vie des différents personnages venus d’horizons différents et réunis par et dans la ville de Bombay, laquelle est en quelques sorte le cinquième personnage.
Le sous-titre donné au film Mumbai Diaries (Carnets de Bombay) donne un avant-goût du sujet, bien plus que le titre principal Dhobi Ghat, qui fait référence à cet immense lavoir où des petites mains réalisent le travail de blanchisserie de toute la ville. En effet le lavoir apparaît à plusieurs reprises dans le film, mais à parts égales avec d’autres sites de Bombay, comme la promenade du front de mer ou la plage. La ville de Bombay est d’ailleurs montrée dans tous ses états : des demeures huppées aux bidonvilles, sous le soleil ou sous la pluie battante.
Comme la ville de Bombay est un des personnages, si ce n’est le protagoniste, la réalisatrice et son caméraman, Tushar Kanti Ray, s’ingénient à multiplier les angles originaux pour les prises de vue. Bombay, dans ses multiples facettes, devient ainsi objet de convoitise de différents objectifs : le zoom numérique de Shai ou le caméscope de Jasmin. Le travail sur la photographie sert aussi remarquablement ce kaléidoscope de vues de Bombay.
Ce voyage à travers la ville est accompagné par la musique, discrète, mais prenante, de Gustavo Santaolalla. On peut se demander pourquoi, alors que l’Inde, du Nord au Sud, regorge de compositeurs ou de musiciens de talent, Kiran Rao s’est alloué les services de ce guitariste et interprète argentin. On comprend mieux ce choix, lorsque l’on sait que Gustavo Santaolalla a réalisé les bandes originales de Carnets de Voyage, Amours Chiennes ou Le Secret de Brokeback Mountain. La guitare de l’argentin apporte une note exotique associée aux prises de vue de Bombay et accentue son aspect cosmopolite.
Les acteurs Aamir Khan, Kriti Malhotra et Monica Dogra livrent une prestation honorable. C’est l’interprétation de Prateik Babbar, le jeune dhobi, la plus touchante et la plus notable du film. Il rend à merveille la naïveté attachante de ce jeune homme pris dans un miroir aux alouettes entre son rêve d’acteur et son amour pour une femme inaccessible. On avait pu l’apercevoir dans le petit rôle du frère de la protagoniste dans Jaane tu… ya jaane na et, même si sa prestation dans Dhobi Ghat n’est pas excessivement longue, c’est lui que l’on remarque le plus dans ce film choral. Un rôle principal où Prateik Babbar pourrait confirmer les promesses que l’on voit poindre dans Dhobi Ghat, nous permettrait de juger s’il est le digne fils de sa mère, Smita Patil, l’actrice de Bhumika ou de Sagdati, égérie du cinéma indépendant indien des années 1980, morte tragiquement en couches à l’âge de 31 ans.
Dhobi Ghat a reçu un accueil mitigé à sa sortie en Inde, le public indien ayant certainement été déconcerté par ce film de facture si différente et plus occidentalisée. Néanmoins, le producteur, Aamir Khan, habitué cependant à battre des records au box-office, a jugé qu’à partir du moment où il était entré dans ses frais, il n’y avait pas lieu de parler de « bide ». Dhobi Ghat peut dérouter, il est vrai, les amateurs de cinéma populaire, qui risquent de le trouver lent et ennuyeux, néanmoins je conseillerais, à ceux qui passeraient outre ce détail, de regarder le film tant il s’en dégage un charme indescriptible. À défaut d’avoir fait un film brillant au regard des ambitions affichées, Kiran Rao a su créer une atmosphère qui rend son film malgré tout attachant et intéressant.