Fanta Live from Cannes, journée 4
Publié dimanche 16 mai 2010
Dernière modification lundi 17 mai 2010
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Festival de Cannes – Samedi 15 mai 2010 - Day 4
Journée super chargée aujourd’hui. Suite au rendez-vous que j’avais fixé hier avec Govind Nihalani, je prévois de me rendre au Palais des Festivals à 11h30 (le rendez-vous étant fixé pour 12h30). Je zone un peu le coin presse, histoire de récolter tous les programmes de la journée, un peu au hasard car je sais bien que, vu tous les écrits que j’ai à faire, à moins d’avoir l’occasion de voir une projection super prisée, les projections ont une moindre priorité.
Je détecte une projection de Kites prévue à 20h, mais sur invitation seulement, dommage.
Je me rends donc au pavillon de l’Inde à 12h30 pile.
Nihalani est occupé à réseauter, et je n’ose pas l’interrompre, donc pour passer le temps je tchatche rapidement avec la réceptionniste du pavillon, qui me raconte qu’elle est complètement perdue car les Indiens ont un sens de l’organisation… moins développé que les gens avec qui elle est habituée à travailler. Elle me raconte que ses amies (toutes cannoises) qui travaillent pour d’autres pavillons sont briefées, et tout leur est expliqué - que la déco et les services dans leurs pavillons sont assez élaborés : des tapis partout au Maroc, baklavas à volonté en Turquie, café à gogo au Canada, clés USB en cadeau au Cinéma du Monde, et même open bar de Guinness en Irlande. En Inde, on a que des affiches sur les murs et des chaises, et le coca et les chips distribués ne sont même pas proposés à toutes les personnes présentes dans le pavillon !
Nihalani est finalement libéré, on se pose donc autour d’une petite table, et l’interview commence. Govind Nihalani est quelqu’un de très accessible, un passionné, et il se réjouit de son style si provocateur, atypique, et différent du cinéma Bollywood qui est souvent exporté. Vous pouvez lire l’interview complète : ici
Notre discussion ne dure pas très longtemps, Nihalani est décidément quelqu’un de très occupé et il a beaucoup de monde à qui parler. Je lui serre la main, et je repars avec le sourire et une interview d’un des plus grands réalisateurs indiens. Il doit être 14h, mais l’excitation a coupé toute ma faim. Je monte donc dans le coin presse et je commence à rédiger mes écrits. Vers 15h30, la faim commence à me gagner, je vais donc manger un bout (rapidement) avant qu’il ne se mette à pleuvoir.
Une heure plus tard, je suis de retour au Palais. En vue du mauvais temps, les journalistes n’ont pas eu de meilleure idée que de se précipiter dans la salle de presse pour, eux aussi, utiliser les ordinateurs disponibles. J’arrive à récupérer de justesse une place disponible, et je m’installe pour commencer à rédiger l’interview de Nihalani, alors que la conférence de presse du film You Will Meet A Tall Dark Stranger de Woody Allen se déroule sur les écrans présents. Je me dis que ça serait quand même une bonne chose d’avoir une ou deux photos de ce réalisateur qui a fait des films (pas tous, attention !) quand même géants.
Je continue d’écrire quand tout d’un coup j’entends des applaudissements provenant de l’écran de télé. La conférence est finie ! Je prends mes affaires, sors mon appareil photo, et je file vers la sortie des conférences de presse. J’arrive juste avant que Woody Allen ne sorte de la salle, précédé par Josh Brolin, acteur dans YWMATDS. J’aurais aimé assister à la projection, mais malheureusement les places disponibles aujourd’hui sont uniquement sur invitation - la presse "normale" n’y aura droit que quelques jours après ; mais je serai déjà parti. J’arrive à prendre des photos de Woody et de Josh (plus tard, en regardant les photos, je m’apercevrai que j’ai aussi réussi à prendre une photo assez correcte de Naomi Watts, qui joue dans YWMATDS aussi !).
Gros rush donc, et quand je retourne à la salle de presse, tous les postes sont occupés. Je vais donc flâner au WiFi Café, à l’étage (photos dispo), un espace dédié à la presse aussi, où il y a des canapés confortables, et la WiFi et le café sont gratuits (le rêve !). Je prends un café en feuilletant les projections du Marché du Film du lendemain (j’ignore pourquoi le programme est déjà disponible aujourd’hui).
Force est de constater que le film uruguayen que je voulais voir (car un film uruguayen, déjà, c’est rare, mais à Cannes, c’est bien la première fois que ça arrive !) sera diffusé demain à 14h, et que demain à 14h je serai à Paris. Je maudis donc les cieux pour ce magnifique coup de [mal]chance, et je me dis que c’est juste pas possible que je passe à coté de ça. Je décide donc de prendre les choses en main, et je me débrouille pour avoir le numéro de téléphone de l’assistant-réalisateur du film, Juan Ponce de León.
Je l’appelle, je me présente en tant que compatriote uruguayen - la chaleur se fait sentir de suite. Me voilà transporté à 11 000 kilomètres d’ici, où tout le monde se tutoie, où, même dès la première conversation, on ne dit pas "bonne soirée" mais "un abrazo" (l’équivalent de "je t’embrasse"), où tout le monde est accueilli à bras ouverts. Le rendez-vous est fixé, ils me rappelleront à la sortie de leur réunion, un peu après 19h. Là, je suis aux anges. Rencontrer les producteurs et réalisateurs du premier film uruguayen à Cannes est quelque chose dont je n’aurais jamais rêvé.
Je repasse au point presse, et je m’installe à un ordinateur, maintenant disponible, pour continuer à rédiger le reste de mes articles. Je reçois l’appel de Juan vers 19h, qui me propose de les rejoindre dans un café pas trop loin du Palais. Mais, à Cannes, 19h est l’heure de la montée des marches. Et on est samedi. Les rues grouillent de monde : des centaines de personnes sont rassemblées, écrabouillées, compressées sur un espace qui fait cent mètres au maximum. En plus de ça, il pleut, et les parapluies sont tous ouverts. J’ai bien dû mettre dix minutes à faire les 150 mètres qui me séparaient du café où Juan et le reste de l’équipe se trouvent.
J’arrive au café, et c’est la bise direct (même entre hommes, en Uruguay la poignée de main reste réservée aux rendez-vous très professionnels). Juan me présente le reste de l’équipe - Gustavo Hernández, le réalisateur, Gustavo Rojo, de Tokiofilms, leur producteur, et sa femme. On discute, ils me demandent d’où je viens, ce que je fais à Cannes, depuis combien de temps je suis en France. En fait, ils ont plus de questions pour moi que moi pour eux. En dépit du décalage horaire, la bonne ambiance règne - et pour cause : d’être en compétition à Cannes dans les catégories "Quinzaine des Réalisateurs" et "Caméra d’Or", c’est déjà une chose tellement énorme pour un film uruguayen au budget de 6000 dollars. Ils ne se sont jamais projetés si loin, et la victoire, la leur du moins, est déjà atteinte.
On sent la fatigue liée au voyage (pour venir de Montevideo, il ont fait Montevideo - Rio de Janeiro, Rio de Janeiro - Paris, Paris - Nice, Nice - Cannes, ce qui doit bien faire 24h de voyage), on sent le stress monter, et tous les trois ne se gênent pas pour l’admettre. On parle de comment ils se sont fait accueillir par les Parisiens, du niveau de vie en France, de Cannes, du festival, des réunions qu’ils ont eues jusqu’à présent, de comment ils s’en sont sorti, de comment ils ont galéré pour l’anglais, des quiproquos, puis on change de sujet, on parle de foot, de politique, les typiques sujets dont on entendrait parler dans les cafés de Montevideo. Tout ça bien sûr, à haute voix, en poussant quelques coups de gueule qui font tourner des têtes. "C’est Cannes, c’est normal !".
Ils ont une réunion à 20h15, ils décident de partir vers 20h pour être sûrs d’arriver à l’heure (un Uruguayen à l’heure est un Uruguayen très stressé). On échange nos cartes, on se fait la bise, je leur souhaite bon courage, et je leur promets de leur envoyer un mail pour avoir de leurs nouvelles (ce qui est déjà fait). Je repars le cœur tout léger, comme si je venais de passer une heure de ma vie en Uruguay.
Je retourne au point presse, où il ne reste plus grand-monde, pour finir mes articles. Je montre mon badge au garde à l’entrée, il sourit et me dit : "Non c’est bon, le mal rasé, je vous reconnais maintenant". J’y reste jusqu’à la fermeture, comme quelqu’un qui n’a pas vraiment envie de partir, même si j’ai fini mes articles vingt minutes avant la fermeture. Je remballe mes affaires et quitte le Palais, que je ne reverrai peut-être jamais.
Je prends quelque chose à manger, et je me dirige tranquillement vers mon hôtel, où une bonne nuit de sommeil m’attend, vu que je dois prendre le train de 6h26 à la gare de Cannes pour Paris (ce qui veut dire lever à 5h30 grand maximum). Une aventure qui se finit, trop courte à mon goût (bien évidemment), mais tellement intense…
C’est ça, la magie de Cannes. Ce n’est pas le tapis rouge, les paillettes, les smokings ou les robes longues. C’est les films, c’est l’art, certes, mais il y a autre chose qu’on ressent beaucoup plus fortement, du point de vue du journaliste tout du moins. On est transportés dans un monde parallèle, où il n’y a plus de frontières, plus de tabous, où tout le monde parle avec tout le monde et où il n’y a plus aucune gêne.
On connaît des gens brillants, merveilleux, cultivés, des quatre coins du monde, qui se font un plaisir de partager leurs rêves, leurs expériences, leur métier, car tout ça est souvent marié à leur passion. On se sent noyé par la grandeur du monstre qu’est le festival, et on se sent contraint de tout raconter. Mais "contraint" n’est pas le bon terme, car chaque mot écrit est un mot écrit avec plaisir. Tout ce rush et toute cette fatigue sont tellement excitants, qu’on en devient vraiment accro. On en veut chaque fois plus - et le pire est qu’on l’a.
Merci à vous de m’avoir suivi pendant quatre des jours les plus intenses de ma vie. Je ne saurai jamais suffisamment remercier les gens qui m’ont permis de connaître cette magie, et de réaliser un de mes rêves les plus chers.
A bientôt sur le forum !
Retrouvez les chroniques des 3 jours précédents (mercredi 12, jeudi 13 et vendredi 14 mai 2010) : ici