Guddi
Traduction : Poupée
Langue | Hindi |
Genre | Films semi-commerciaux |
Dir. Photo | Jaywant Pathare |
Acteurs | Jaya Bachchan, Dharmendra, Utpal Dutt, Samit Bhanja, Vijay Sharma, A. K. Hangal |
Dir. Musical | Vasant Desai |
Parolier | Gulzar |
Chanteur | Vani Jairam |
Producteurs | N.C. Sippy, Hrishikesh Mukherjee |
Durée | 121 mn |
Un film qui dénonce les faux-semblants du cinéma, qui montre sans concession l’envers du décor, qui détruit l’illusion du héros tout-puissant, voilà qui est original…
Guddi (Jaya Bhaduri) est une adorable lycéenne amoureuse d’une star, Dharmendra, au point qu’elle refuse de se marier avec un charmant prétendant, persuadée que la force et la pureté de son amour permettront sa réalisation.
Son ange gardien se manifeste sous la forme d’un oncle attentionné (et psychologue de profession), qui connaît Dharmendra et permet à Guddi d’assister autant qu’elle le veut à un tournage avec la star, chaperonnée par son ex-futur fiancé apparemment peu rancunier. Le rêve de Guddi va-t-il se réaliser ?
C’est une option dont le réalisateur nous débarrasse assez vite, un peu trop vite d’ailleurs, pressé de bien nous convaincre que le cinéma c’est du vent, rien que du vent, et que l’envers de la pellicule n’est pas bien beau à voir, ni très intéressant d’ailleurs.
Tout porte à croire que le scénariste Gulzar et le réalisateur Hrishikesh Mukherjee n’aiment pas le cinéma, ce qui est assez paradoxal, surtout venant de deux monstres du cinéma hindi : Gulzar qui a signé le scénario et/ou les dialogues de 40 films, les chansons de 25 films ; et Hrishikesh Mukherjee, l’un des réalisateurs phares des années 60 et 70, dont Sanjay Leela Bhansali dit qu’il est le dernier des grands réalisateurs.
Plus exactement, ces artistes semblent prodigieusement agacés par les faux-semblants du cinéma commercial, et par la crédulité des spectateurs qui croient vraiment ce qu’ils voient, perdant tout bon sens.
Il est assez surprenant aussi de trouver ici Dharmendra, symbole même du héros romantique inoxydable. Il fallait à l’acteur un certain courage pour jouer ce rôle de garçon assez mal à l’aise dès que la caméra s’arrête, encombré par son statut, et plutôt fade il faut bien le dire.
C’est là que le réalisateur se laisse un peu trop emporter par sa leçon de morale. Guddi aurait gagné en suspens et en finesse en jouant sur les deux tableaux, à la fois séduction et répulsion, alors qu’il nous brosse un tableau si monochrome et partisan, qu’il nous fait sourire.
Le film est cependant vraiment intéressant. D’abord, il est quand même rare de voir le cinéma fustiger le cinéma, de voir les coulisses et le travail de tous ces anonymes qui œuvrent à l’ombre des stars. Guddi dénonce en vrac les injustices, les dangers, les conditions de travail pénibles. Il montre aussi les acteurs au travail, qui perdent leur texte, qui reprennent leur scène, avec des extraits sympathiques qui n’osent cependant pas être trop durs avec ces chères stars (toutes masculines d’ailleurs).
Ensuite, les dialogues de Gulzar sont parfaitement ciselés et frôlent parfois la poésie ; un monologue de Dharmendra est particulièrement touchant, sur le cinéma d’hier et d’aujourd’hui : « tout ici attend d’être détruit par le temps »…
Enfin, Jaya Bhaduri est vraiment adorable et s’impose sans peine à l’écran. Guddi est l’un de ses premiers films, qu’elle a tourné en sortant de l’Institut du film de Pune. Si elle en rajoute un peu dans la première demi-heure en écolière en socquettes blanches, elle est d’un naturel assez confondant ensuite. Par exemple, lorsqu’elle met un sari pour la première fois, on jurerait que c’est vraiment la première fois. Seul le regard trahit la très jeune fille qu’elle est encore, quand toute sa personne clame une féminité qu’elle ne peut plus nier.
Guddi étonne aussi, il se détourne sciemment des codes du cinéma commercial dit « Bollywood » : non seulement la séduction est jetée aux orties, mais les dishum sont passés à la trappe ! J’ai même cru que mon DVD avait des ratés tellement il est impensable de retrouver les héros pansant leurs plaies sans avoir eu droit à un bon quart d’heure de bagarre. Mais non, vérification faite il ne manque aucune scène. Celle-ci est racontée par Jaya qui mime les coups en riant beaucoup, ultime pied-de-nez à la virilité des héros.
Les seules concessions de Guddi à la tradition cinématographique sont les clips, tout à fait classiques et romantiques. Il fallait bien asseoir la réputation de la nouvelle héroïne, lui permettre d’exprimer son charme. Mais il n’y en a que trois, dont deux chansons absolument ravissantes qui ponctuent la première demi-heure du film, peut-être aussi pour nous faire croire que nous sommes dans un « vrai Bolly pur sucre », pour mieux nous déstabiliser ensuite. Bole re papihara est particulièrement mélodieuse, c’est une des plus jolies chansons hindi que j’aie entendues à ce jour.
Pour terminer, l’image et le son sont de très bonne qualité, Guddi ne dure que deux heures, et vaut vraiment le détour !