Phantom
Langue | Hindi |
Genre | Film d’action |
Dir. Photo | Aseem Mishra |
Acteurs | Saif Ali Khan, Katrina Kaif, Mohammed Zeeshan Ayyub, Sohaila Kapur |
Dir. Musical | Pritam Chakraborty |
Chanteurs | Arijit Singh, Shahid Mallya |
Producteurs | Siddharth Roy Kapur, Sajid Nadiadwala |
Durée | 136 mn |
Après l’énorme succès de Bajarangi Bhaijjan, évoquant avec un regard humaniste les relations indo-pakistanaises à travers l’histoire d’une petite fille pakistanaise perdue en Inde, Kabir Khan semble renouer avec le manichéisme d’Ek Tha Tiger avec ce nouveau thriller patriotique.
Le scénario de Phantom se fonde sur le roman d’Hussain Zaidi, intitulé Mumbai Avenger. N’ayant pas lu l’œuvre originale, toute comparaison m’est impossible, mais le réalisateur a collaboré avec l’auteur afin d’écrire son script. Le film évoque les attentats terroristes qui ont touché Mumbai en 2008, perpétrés par une organisation islamiste basée au Pakistan, traumatisant la population et causant la mort de presque deux cents personnes.
Une équipe des services de renseignement indien, le RAW, monte sur pied, sans l’aval du Premier ministre, une mission top secrète qui permettrait d’éliminer discrètement les hommes qui ont organisé ces attentats, sans éveiller les soupçons des autorités pakistanaises et donc créer des tensions diplomatiques.
Ils font appel à Daniyal Khan (Saif Ali Khan), un ancien militaire disparu de la circulation, tel un fantôme, pour des raisons que l’on découvre au fil du film. Daniyal Khan chargé de cette mission périlleuse, se voit épaulé par Nawaz Mistry (Katrina Kaif), une jolie analyste, qui serait la seule capable d’identifier la première cible. La mission entraîne notre agent dans une prison américaine, puis en Syrie et enfin au Pakistan, où il tente de supprimer les autres méchants pour venger les innocents touchés par ces attentats.
Pour un thriller, Phantom s’avère assez décevant car à aucun moment le spectateur ne retient son souffle face à cette succession de scènes d’action assez peu convaincantes.
Les personnages principaux, sur lesquels repose l’histoire, manquent cruellement de profondeur, en dépit des quelques scènes où Daniyal comme Nawaz reviennent sur leur passé. Saif Ali Khan, loin d’être mauvais dans ce rôle, ne marque pas vraiment les esprits. Quant à Katrina Kaif, son rôle en lui-même n’est pas véritablement indispensable dans la trame scénaristique. Rien que la façon dont elle se charge d’identifier Sajid Mir, la première cible, dans un stade rempli de monde, durant un match de cricket, manque de crédibilité et apparaît comme un prétexte pour introduire son personnage. On retient toutefois ce moment comique, où grâce à une ruse, elle parvient à éviter les contrôles de police pakistanais et sauve l’équipe embarquée dans cette mission.
La relation qui se tisse entre les deux protagonistes, bien qu’elle ne tombe pas dans les clichés amoureux, est traitée avec plus de finesse ; mais semble en définitive assez plate pour un duo ayant traversé autant d’épreuves ensemble et pris des risques immenses dans le cadre de cette mission. Certes, ce n’est pas un film romantique, mais là encore il manque un semblant d’émotion pour que le spectateur soit pleinement convaincu.
Étonnamment, ce sont les personnages secondaires qui sont bien plus mémorables que nos deux héros.
Sohaila Kapoor dans le rôle de cette aide-soignante, en proie au chagrin depuis la mort de son fils enrôlé par les terroristes, est bien plus intéressante en dépit d’un temps à l’écran plus réduit. Son personnage apporte une autre dimension au scénario, moins centré sur l’action durant ses scènes, et davantage sur la souffrance causée par le fléau du terrorisme, qui touche aussi bien l’Inde que le Pakistan.
L’agent du RAW, interprété par Mohammed Zeeshan Ayyub, est également notable, c’est le cerveau de la mission ; c’est lui qui a eu cette idée pour se venger des attentats de Mumbai, et encore lui qui insiste pour que la flotte indienne n’abandonne pas Daniyal Khan, malgré le risque de conflit avec les voisins pakistanais. Il incarne le patriotisme indien, et sa performance qui oscille entre sérieux et humour involontaire est assez remarquable.
Toutefois, même si le film condamne surtout le terrorisme — plutôt que l’État pakistanais — le sujet est sensible et le message véhiculé discutable, d’où son interdiction de diffusion au Pakistan [1].
L’illégalité de cette mission à l’initiative d’une aile indépendante du RAW, ainsi que la vengeance comme vecteur de justice, sont à questionner, et peuvent susciter un certain malaise. La loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent » est quelque peu érigée en solution, même si le besoin et la volonté de justice sont légitimes. Le film qui évoque des sujets politiques, le fait sous le prisme d’un patriotisme exacerbé, avec un parti pris clair.
C’est surtout le rythme propre aux films d’action tenant le spectateur en haleine qui fait défaut ici, ce qui est bien dommage ! Les scènes d’action sont assez ennuyeuses et peu surprenantes. Le sentiment général qui parcourt le spectateur est qu’on le prend pour un idiot, face à une succession de scènes pas toujours passionnantes. La fin, bien qu’émouvante, n’a pas réussi à me toucher plus que ça, preuve de la platitude du jeu d’acteur, qui sans être mauvais, ne révolutionne pas l’histoire du cinéma.
Pour ce qui est de la bande originale, elle n’est pas mémorable non plus, si ce n’est le titre Saware, qui intervient au bon moment dans le film. Interprétée par Arjith Singh c’est la seule chanson douce qui joue sur l’émotion. Il y a évidemment, le plus festif Afghan Jalebi, qui s’écoute bien aussi, ainsi que Nachda plus éclectique en terme d’influences musicales.
Un film qui a de grandes ambitions et qui ne parvient pas à les atteindre…
C’est donc un avis mitigé pour Phantom, qu’il n’est pas indispensable d’avoir vu ; sur le même thème il est préférable de (re)voir Fanaa !
[1] Hafiz Saeed a porté l’affaire devant la Haute Cour de Lahore argumentant que le contenu du film était « anti-pakistanais », et qu’il portait également atteinte à son image.
Saeed est le fondateur du LeT (Lashkar-e Taiba) — depuis renommé en Jamaat-ud-Daawa —, organisation considérée comme terroriste par les Nations Unies (depuis 2005), et dont le dirigeant accusé par Delhi d’être le commanditaire des attentats de Bombay en 2008.
Au-delà de imprécations — attendues et grotesques — proférées par H. Saeed, Médecins Sans Frontières (MSF) a aussi conduit des actions en justice contre le film… laissant planer le doute sur la qualité de cette fiction, dont le versant Hollywoodien et patriotique laisse à désirer.