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Raavanan


Bande originale

Veera
Usure Pogudhey
Kodu Poatta
Kaattu Sirukki
Kalvare
Keda Kari

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La critique de Fantastikindia

Par Didi - le 28 décembre 2010

Note :
(8/10)

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Veera (Vikram), un hors-la-loi retranché dans la jungle, enlève, pour se venger, Ragini (Aishwarya Rai Bachchan), femme de Dev (Prithviraj), l’officier de police responsable de la mort de sa sœur. Pour récupérer sa femme et pour venger, à son tour, l’affront infligé par Veera, Dev se lance dans une chasse à l’homme impitoyable à travers la jungle, aidé par ses subalternes et un garde forestier…

Sous ce résumé assez simple se cache, en fait, une histoire bien plus complexe qu’il n’y paraît et que l’on reconstitue au fur et à mesure du film, alors que se révèle la véritable nature des personnages… Car c’est bien un questionnement sur l’apparence et la réalité, la simplicité et la complexité, la légitimité et la légalité, la loyauté et la duplicité que se propose de livrer le génial réalisateur tamoul, Mani Ratnam.

Je ne reviendrai pas sur les références au Ramayana, largement exposées par Maya, dans sa chronique de la version hindi du diptyque de Mani Ratnam. Je profite de la chronique de la version tamoule pour livrer les éléments d’une lecture plus universelle de ce film déroutant.

"Déroutant" est donc le premier adjectif qui vient à l’esprit pour qualifier au mieux ce film dont l’histoire n’est pas racontée de façon linéaire, mais composée d’un kaléidoscope d’histoires et de relations entre personnages principaux et secondaires. La trame principale est bien sûr constituée par l’enlèvement de Ragini par Veera et la poursuite policière de Dev, mais elle est interrompue par une série de flash-backs qui viennent exposer les histoires des personnages avant ces événements. Tout d’abord, le premier flash-back évoque l’histoire d’amour entre Ragini et Dev, leur mariage arrangé, mais heureux, la fascination de Dev pour la grâce et la beauté de son épouse. Le second flash-back, plus long, apporte un autre éclairage sur le personnage de Veera, en expliquant les raisons qui l’ont conduit à devenir un hors-la-loi et à enlever la femme de Dev ; il confirme aussi le traumatisme que cache le premier sous son apparence d’aliéné.

Bien qu’évoluant en milieu naturel et dans des espaces ouverts (jungle, cascades, clairières), les personnages se retrouvent à plusieurs reprises, en particulier dans les scènes cruciales, dans une sorte de huis clos créé par les séquences qui les isolent les uns des autres : la captive et son ravisseur, le mari et le souvenir d’une femme qui ne sera plus jamais la même pour lui, le policier et le criminel, à la fois mari et amant putatif, offensé et offenseur.

Placés dans des situations extrêmes, les personnages vont être forcés de révéler, peu à peu, leurs sentiments cachés et leur véritable nature. Le mari aimant aura-t-il pour sa femme la même loyauté sans faille que celle-ci lui manifeste ? Le ravisseur n’est-il animé que par la vengeance ou commence-t-il à éprouver d’autres sentiments envers sa captive ? La captive n’éprouve-t-elle que haine pour son ravisseur ou ne commence-t-elle pas, à son tour, à éprouver de la compassion pour lui ? Si la haine et la peur, exprimées de la façon la plus primaire, sans paroles, autrement dit, par le regard et le cri, semblent être au départ les sentiments dominants qui sous-tendent les actions des personnages principaux, c’est le doute qui s’insinue peu à peu et qui finit par s’imposer pour le meilleur et pour le pire. C’est le doute qui permet de faire émerger la compassion de la captive pour son ravisseur, mais c’est aussi le doute qui fait tomber les masques et mène le mari au meurtre.

À travers l’histoire de Dev, Ragini et Veera, laquelle est un choc de légitimités (un homme a-t-il le droit d’enlever la femme d’autrui pour se venger ? un policier, garant de l’ordre social, peut-il utiliser l’autorité dont il est dépositaire pour se venger et commettre le crime qu’il est censé combattre ?), Mani Ratnam pose la question de la légitimité de la vengeance, une question philosophique complexe qui va bien au-delà de la simple séparation entre le bien et le mal et ce d’autant plus si la loyauté, la compassion, le doute et la duplicité viennent brouiller les lignes séparatrices. Car c’est bien là le propos du réalisateur qui, dès le générique, avertit le spectateur de ses intentions.

À la fin du visionnage de Raavanan, film à lectures multiples, c’est plutôt l’adjectif "complexe" que l’on retient pour le qualifier. Au-delà de la réflexion, Raavanan est aussi un film visuellement très beau, très maîtrisé techniquement, offrant parfois des plans extrêmes à couper le souffle.

Les acteurs, aussi bien Vikram que Prithviraj, Aishwarya, Prabhu ou Karthik, donnent le meilleur d’eux-mêmes (surtout Vikram, remarquable dans son personnage d’aliéné lucide et touchant) et servent magistralement le propos du réalisateur. On devine l’admiration qu’ils éprouvent tous pour le cinéaste, car ils ont été confrontés à un tournage long et éprouvant (le diptyque a été filmé simultanément et Mani Ratnam a eu une crise cardiaque) dans des paysages (Karnataka, Kerala, Ooty, Jhansi, Kolkata, Mahabaleshwar et Maharashtra) certes grandioses, mais parfois inhospitaliers, ou en tout cas soumettant l’ensemble de l’équipe à des conditions extrêmes. La musique du Mozart indien, A.R. Rahman, et la photographie de Santosh Sivan sont l’écrin qui mettent en valeur ce bijou cinématographique.

La version tamoule, laquelle a reçu de meilleures critiques grâce à la performance de Vikram, a mieux résisté au box-office que la version hindie, sans être un franc succès au Tamil Nadu ou en Andhra Pradesh où le film, doublé, est sorti sous le titre de Vilain. Le public indien a certainement été déconcerté par ce film qui reprend, pour mieux les détourner, certains codes culturels et cinématographiques. Néanmoins, le diptyque a reçu un bel accueil à la Mostra de Venise où Mani Ratnam s’est vu remettre le prix Jaeger-LeCoultre "Glory to the Filmmaker".

Vous pouvez également lire la chronique de la version hindi, Raavan.

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