Remettre au goût du jour ses propres classiques
Publié lundi 10 août 2009
Dernière modification vendredi 28 novembre 2008
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Toujours en panne d’idées, certains producteurs indiens, lassés d’adapter les scénarios américains, ont entrepris de s’attaquer au patrimoine cinématographique local. Ainsi, certains classiques hindi se voient liftés pour coller aux années 2000, un phénomène qui commence aussi à toucher les industries du sud.
Les adaptations
Depuis quelques années, un nouveau phénomène est apparu dans le cinéma hindi : le remake de classiques. Si, en 2002, le réalisateur Sanjay Leela Bhansali nous donnait sa vision du classique Devdas, on ne pouvait pas vraiment parler de remake. Car cette oeuvre était inspirée d’un livre, et non pas d’un film. Malgré les versions préalablement tournées (1936 et 1955 notamment), Devdas est avant tout l’adaptation d’un livre où le cadre temporel est le même. On a ainsi droit à un film d’époque, et pas à une retranscription de l’histoire dans un contexte actuel.
Ce fut le cas également pour Umrao Jaan, classique du début des années 80, dont le remake de 2006 permit au réalisateur JP Dutta de lui rendre hommage en proposant sa relecture de l’oeuvre originale, en gardant lui aussi comme base la même époque et les mêmes personnages.
Les transpositions dans l’époque moderne : les succès
Mais les remakes ont aussi pour vocation de remettre au goût du jour un classique d’antan. Pour cela, bien souvent, on adapte l’histoire dans l’époque présente, pour coller aux préoccupations des spectateurs.
Lors de sa sortie en 2006, le film Don de Farhan Akhtar change la mise. C’est une nouvelle vision d’une oeuvre portant le même titre sortie à la fin des années 70 et qui reste l’un des symboles d’une époque. Adapter un classique du cinéma Bollywood dans un contexte différent n’avait pas été fait auparavant. Car Don n’est nullement la transposition au cinéma d’un livre, mais bel et bien d’un film, lui-même inspiré par le cinéma d’action américain des années 70. Le réalisateur Farhan Akhtar, très malin, a bien compris que le public indien serait frileux de voir un de ses classiques transposé en un film d’action moderne et froid. S’il a emprunté l’esprit et les gadgets modernes des James Bond, il a aussi gardé une esthétique propre à la fin des années 70, et a modifié le dénouement final en ajoutant un rebondissement inattendu. Les résultats du film furent encourageants, ce qui a donné l’idée à d’autres producteurs de tenter l’aventure.
Mais l’histoire du film ne s’arrête pas là : le Don de 1978 avait fait l’objet d’une adaptation au Tamil Nadu avec Billa en 1980, Rajnikanth y reprenant le rôle tenu par Amitabh Bachchan. Surfant sur la vague du remake hindi de Don en 2006, les producteurs de Kollywood ont eu l’idée de relifter l’ancien remake tamoul (la boucle est bouclée). Billa version contemporaine est ainsi sorti fin 2007 au Tamil Nadu sous la forme d’un film d’action très froid, bien loin du chaleureux film original.
Les transpositions dans l’époque moderne : les débâcles
Si Ram Gopal Varma mettait au goût du jour ses propres films, tournés en telugu, dans une version remaniée pour le cinéma hindi, il a récemment entrepris une affaire bien plus périlleuse. Il a pris l’initiative de réaliser et produire un remake du plus grand succès de l’histoire du cinéma indien, un film intouchable et culte : Sholay. Sorti en août 2007, Ram Gopal Varma Ki Aag a été affublé d’un nombre de superlatifs assez impressionnant. Tour à tour considéré comme le plus mauvais film de l’année, comme une débâcle sans précédent, ou simplement comme une insulte au 7ème art, le film a connu une carrière proportionnellement opposée à celle du film original.
Dans la même veine devraient sortir prochainement plusieurs adaptations de films qui ont marqué le paysage cinématographique indien. Avec un casting de seconde zone, le remake du classique Amar Akbar Antony réunira une partie de la famille de Salman Khan. Pourquoi tant de haine avec des oeuvres qui n’ont rien demandé ?
Karzzzz, sorti fin 2008, est le remake de… Karz (eh oui, les producteurs ont beaucoup d’imagination pour rajouter 3 z au titre original). En tout cas, ce film a permis au chanteur Himesh Reshammiya de continuer sa carrière d’acteur après son succès dans Aap Ka Surroor, mais le film n’a pas du tout rencontré le succès de la version originale.
Un public mitigé
Ce dernier exemple montre encore que le public indien est réticent à voir toucher son patrimoine audiovisuel. A part Don et Devdas qui ont bénéficié d’une promotion et d’une hype leur permettant de réaliser des scores honnêtes, les autres remakes ont été de gros échecs. Difficile pour des personnes qui se souviennent de films multi-dimensionnels (la romance côtoyait l’action, l’humour, le drame, le social et même la réincarnation ou la mythologie indienne) de voir réduire leur souvenirs à un remake formaté, bien souvent unidimensionnel et sans âme.
Mais on peut compter sur la persévérance des producteurs indiens pour ne pas renoncer à imposer ces nouvelles versions de classiques.
Alors, à quand un remake de Mughal-E-Azam qui se passerait dans les banlieues de Mumbai en 2014 ? Et celui de Coolie délocalisé dans un aéroport de Los Angeles, avec le chanteur Pritaam dans le rôle mythique qui était tenu par Amitabh ? On peut compter sur une poignée de producteurs indiens qui n’ont, sans doute, pas fini de nous surprendre…