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Special 26

Traduction : Unité spéciale 26

Bande originale

Gore Mukhde Pe Zulfa Di Chaava
Tujh Sang Lagee
Kaun Mera
Mujh Mein Tu
Kaun Mera (Male)
Dharpakad
Kaun Mera (Female)
Mujh Mein Tu - 1

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 13 août 2013

Note :
(6.5/10)

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Le 19 mars 1987, vers 14h15, 27 hommes se sont présentés à la luxueuse bijouterie Tribhovandas Bhimji Zaveri de l’Opera House de Bombay. Cette équipe du CBI (1), munie d’un mandat de perquisition, a inspecté et saisi tous les bijoux à la recherche de pièces contrefaites. 26 hommes sont restés sur place afin de surveiller l’établissement, tandis que leur supérieur, Mohan Singh, était appelé sur une autre opération. Ce n’est que 30mn plus tard que les employés et les 26 gardes ont réalisé que le magasin avait été vidé de tous ses objets précieux. Mohan Singh, tel qu’il s’était fait appeler ce jour-là, n’a jamais été retrouvé.

Ce vol spectaculaire, effectué en plein jour sans arme ni violence, a défrayé la chronique indienne à la fin des années 80. Neeraj Pandey s’en est inspiré dans l’écriture et la réalisation de Special 26, ou Special Chabbis lorsqu’on écrit le nombre en hindi. Il s’agit donc d’une histoire de policiers et de voleurs. Mais qui est policier, qui est voleur, qui est volé et d’ailleurs qu’est-ce qui est volé, si c’est bien le cas ? Une seule chose est à peu près certaine, Waseem Khan (Manoj Bajpai) est un véritable policier du CBI. C’est beaucoup moins clair en ce qui concerne les autres protagonistes. Même leurs noms sont sujets à caution, qu’il s’agisse d’Ajay Singh (Akshay Kumar), de P.K. Sharma (Anupam Kher) ou de Ranveer Singh (Jimmy Shergill)…

Nous avons déjà vu, en occident, un grand nombre de films nous racontant des vols rocambolesques. De Topkapi à L’arnaque, en passant par Ocean’s Eleven et Braquage à l’Italienne, les codes du genre sont bien établis. Bollywood s’y essaye aussi de temps en temps, comme avec Players ou le plus ancien Aankhen. Mais ces films pêchent souvent par leur invraisemblance ou par leur tentative malhabile de s’inspirer de films américains. Special 26 évite haut la main ces deux écueils. Les ressorts du film sont résolument indiens. Quant à la crédibilité de l’histoire, on peut dire que la fiction rejoint tout juste la réalité.

Le film se déroule dans une Inde de 1987 reconstituée jusque dans les moindres détails. Le succès des voleurs ne repose donc pas sur un usage de technologies modernes, des gadgets ou des déguisements abracadabrants tels qu’on peut en voir dans Mission Impossible par exemple. En plus d’un aplomb formidable, les escrocs exploitent à la fois la crainte très indienne qu’inspirent l’administration — renforcée par quelques claques bien senties — et la corruption généralisée. Les victimes n’osent pas se rebeller contre ceux qu’elles pensent être du CBI ou du fisc. Mais de toute façon, elles ne peuvent pas se plaindre non plus, car l’argent qui leur est volé n’a pas été acquis très honnêtement.

Pour tenter d’arrêter ces voleurs, il fallait un policier à la hauteur. Waseem Khan est cet homme. C’est un officier déterminé, l’œil noir et les sourcils perpétuellement froncés. Il est exactement le pendant indien d’un agent du FBI américain. N’ordonne-t-il pas à un conducteur de bus au cours d’une course-poursuite haletante : « CBI, suivez ce rickshaw ! » ? Tous les tics du cinéma américain sont ainsi transposés d’une façon tellement naturelle qu’il devient impossible de parler d’imitation. Neeraj Pandey nous montre simplement une face du monde à laquelle nous ne sommes pas habitués.

Il le fait avec un humour pince-sans-rire de tous les instants, comme lorsque Waseem reproche à sa femme son décolleté, fort sage au demeurant, mais en prenant bien soin de nous laisser l’occasion de mesurer l’offense à la décence. Il n’y a pourtant jamais d’effet comique appuyé. Les personnages arborent en permanence un visage grave et concentré. Des gestes presque imperceptibles, leurs attitudes et leurs répliques en apparence anodines, sont jubilatoires à mesure que la vérité se fait jour. Special 26 est en définitive un film extrêmement drôle dont on sort épuisé.

Neeraj Pandey a écrit et réalisé avec Special 26 un second film beaucoup plus fin et léger que ce qu’il avait accompli en 2008 pour un A Wednesday ! à la morale plus que douteuse. Il n’y a pas ici d’interminable discours sentencieux, ni de terroriste et encore moins de policier à l’éthique chancelante. Nous sommes dans le vol élevé au rang d’un art. Il reprend pourtant deux acteurs déjà présents dans sa première œuvre, Anupam Kher et Jimmy Shergill. Ils sont ici extrêmement convaincants dans des rôles aux antipodes de leurs personnages habituels. Anupam Kher est à la fois sérieux et particulièrement touchant, quant à Jimmy Shergill, il est éblouissant dans un personnage secondaire presque mutique. A aucun moment ils ne surjouent et montrent une grande présence, même sans parler.

Anupam Kher, qui sait être parfois si horripilant, parvient même à voler la vedette à un Akshay Kumar lui aussi parfaitement dans le ton du film, très loin de ses cabotinages habituels. Dyvia Dutta, en assistante de Jimmy Shergill, n’a presque aucun texte à dire, mais elle est là. Quel plaisir de revoir Shaboo de Veer-Zaara ! Quant aux deux acolytes d’Akshay Kumar, Rajesh Sharma et Kishor Kadam, ils ont encore moins de dialogues, mais ils savent se montrer indispensables. Ce travail d’acteurs est sublimé par Manoj Bajpai qui produit ici une performance comme on en voit rarement.

Si la direction d’acteurs est de premier ordre, ce n’est pas tout à fait le cas de la réalisation. Certains effets, pourtant remarquables, perdent en efficacité à force de répétitions et pourraient même susciter l’ennui à certains moments. Un autre problème, peut-être même plus grave, réside dans la présence de Priya jouée par Kajal Aggarwal. Elle ne sert absolument à rien, et ses interventions sont comme des coupures publicitaires dans un film intense : des nuisances. C’est comme si le cahier des charges rédigé par un service marketing imposait une histoire d’amour, alors, à contrecœur, Neeraj Pandey a rajouté cette institutrice mièvre. En cherchant bien, elle a une utilité, amener les quatre chansons réglementaires.

Malheureusement, le spectateur n’est pas prêt à écouter des chansons douces évoquant un amour contrarié dans un film où la tension est aussi forte. Il est aussi à supposer que les producteurs ont tenu à avoir leur item-number. Cette tâche est dévolue à Neeru Bajwa qui n’impressionne guère. Gore Mukhde Pe parait bien longue… Mais la musique n’est pas cantonnée à quelques chansons. Elle est omniprésente dans le film. Sanjoy Chowdhury a écrit pour le fond sonore des moments remarquables qui accompagnent les images à merveille. Ils sont résolument modernes, utilisent des instruments électroniques, mais s’appuient aussi sur la basse comme sur des cuivres. Du grand art !

Special 26 est un film compliqué. L’histoire qui nous est comptée est passionnante. La direction d’acteur est certainement une des meilleures qu’on ait vues depuis longtemps. Les comédiens sont formidables. La mise en image est remarquable. La reconstitution historique est tout simplement parfaite. Les vols tout comme la traque sont particulièrement réjouissants. Seulement, il y a quelques longueurs, des effets répétés parfois à l’envi, des chansons inutiles et une bluette secondaire préjudiciable.

Ne boudons cependant pas notre plaisir. On passe un très bon moment et on sort de ce film heureux, pensant avoir tout compris…





(1) CBI ou Central Bureau of Investigation est une unité d’élite de la police chargée des enquêtes criminelles et financières. Il intervient au niveau fédéral dans les affaires importantes.


Bande-annonce

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