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La critique de Fantastikindia

Par Madhuri - le 2 juin 2015

Note :
(7/10)

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Sur le chantier d’un centre commercial à Meerut, ville de l’Uttar Pradesh, Titli projette d’acheter un parking pour pouvoir gagner honnêtement sa vie.
Il doit réunir une grosse somme d’argent pour se payer ce rêve.

Derrière le rêve se cache son véritable projet, celui d’échapper à ses deux ratés de grands frères qui l’embrigadent dans de violents braquages de voitures. Ils habitent tous ensemble dans une banlieue défavorisée de Delhi, s’occupant de leur père, se battant et se querellant sans cesse.
Les rares femmes qui ont vécu là ont déserté, lassées de cette brutalité qui se retourne souvent contre elles.

Les journées sont rythmées par le son des crachats et raclements de gorge, des repas pris en maillot de corps, du bruit de la télé en zapping continuel ou de la radio en sourdine. Les échanges tournent toujours autour de cet argent qui manque cruellement et qu’ils se font piquer par une police encore plus corrompue que les criminels qu’elle pourchasse.
Bref, vous l’aurez compris, on nage dans le défaitisme le plus total où chaque espoir de sortir de cette vie minable est écrasé par la réalité et par la médiocrité de cette famille malhonnête.

La solution à cette misère 100% mâle serait-elle de marier de force le plus jeune des frères, Titli et éviter qu’il quitte le domicile familial ?
Neelu, sa femme, intègre donc le foyer sans savoir vraiment où elle met les pieds…

Parlons tout d’abord du titre.
Titli, veut dire papillon, c’est aussi le prénom du héros donné par sa mère qui, après deux garçons, souhaitait avoir une fille. Un prénom qui inspire la fragilité pour un jeune homme plutôt chétif et sous l’influence de ses frères. Mais ne vous y trompez pas, car comme son père le répète, Titli est le plus fort de tous.

Il y a d’ailleurs, dans le film, une opposition frappante entre les hommes et les quelques femmes qui gravitent autour de la famille de truands. Les femmes trouvent des solutions aux problèmes lorsque les hommes s’enfoncent un peu plus dans leurs soucis.
Une scène est particulièrement cocasse, celle du divorce de Vikram : d’un côté se tiennent les femmes, dignes, fortes et déterminées, soutenant celle qui demande le divorce et de l’autre les hommes, atterrés, pleurnichards et complètement désemparés.

Le film s’imprègne aussi, définitivement, de l’ambiance d’une mégapole en pleine expansion. On y voit Delhi en chantier, encombrée, bruyante, surpeuplée, polluée, un déchaînement de modernité qui s’impose aux personnages qui veulent eux aussi prendre part à ce progrès. Les plans sont souvent subjectifs, ce qui participe à l’action et nous pousse malgré tout à l’empathie.

Par opposition, il y a beaucoup de scènes du quotidien dans leur cahute, où les regards sont vides et les visages fermés, comme si les esprits restaient confinés dans leur petit "trou à rats". La violence est omniprésente, le désespoir aussi, l’atmosphère de leur taudis est souvent poisseuse et leurs existences d’une monotonie effrayante.
Par bien des aspects, ces scènes font penser au cinéma néoréaliste italien (en moins romantique et sans les violons), où l’on montre le quotidien et la réalité crue de ceux qui luttent pour leur survie en ne faisant pas toujours les bons choix.

Mais rassurez-vous, dans ce contexte plutôt calamiteux, et bien que les protagonistes s’enlisent jusqu’au cou dans les difficultés, l’espoir ne les quitte jamais… et il se pourrait même que le "papillon" venant des ténèbres s’envole vers la lumière laissant derrière lui son lourd héritage…

Kanu Behl, le réalisateur, signe ici son premier long métrage, on le connait notamment pour Love, Sex Aur Dhokha qu’il a écrit et réalisé en tant qu’assistant.
Le film est sorti en 2014 et a été présenté au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard. Il aura donc fallu attendre quasiment un an pour qu’il soit projeté sur nos écrans.

Côté comédiens, Shashank Arora (Titli) participe ici à son premier film en tant que rôle principal. Il est épaulé par Ranvir Shorey (Vikram), acteur confirmé du cinéma indien qu’on a vu entre autres dans Singh Is Kinng, Aaja Nachle ou plus récemment dans Ek Tha Tiger. Son interprétation du grand frère ignoble mais dépassé par les événements inspire la pitié car il arrive par sa sincérité à le rendre moins abject à nos yeux.
A noter aussi la présence de Shivani Raghuvanshi (Neelu), petite nouvelle au cinéma, qui prend la place (pas facile) de femme de Titli. Et Amit Sial (Bawla), qui vit, dans le film, une histoire d’amour pas banale et assez peu vue au cinéma indien, il faut bien l’avouer.
Lalit Behl, le vrai père du réalisateur, tient le rôle du patriarche et responsable de cette fratrie de criminels.

La bande originale a été confiée à Karan Gour, un débutant lui aussi, mais qui a tout de même signé, l’année d’après, la bande son de NH10.

Titli est un film bien fait, au rythme lent ponctué de scènes assez violentes. Pas aussi noir qu’un film d’Anurag Kashyap et bien loin de Bombay et ses bandes organisées, il laisse le spectateur flotter dans une sorte de nuage poussiéreux et montre la misère sous un jour plutôt réaliste. Personnellement, je n’ai pas été subjuguée par le sujet ou le film en lui même mais je comprends qu’il ait reçu un bon accueil en Occident car, contrairement au cinéma Bollywood bling-bling qu’on connaît, il ouvre une fenêtre sur l’Inde des grandes villes moderne et sa population qui essaie de survivre. Le meilleur moyen de se faire une opinion reste encore de le voir ou le revoir…

Bande-annonce

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